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Hypnos, dieu du Sommeil et gardien de la Nuit



Tête d’une statue en bronze représentant Hypnos, copie romaine d’un original hellénistique (env. 275 av. J.-C.), British Museum, Londres. © The Trustees of the British Museum.


Hypnos est la personnification du sommeil (hypnos en grec), pouvoir nocturne et troublant par excellence. Il est né de Nyx, la Nuit, elle-même issue du Chaos originel, qui a enfanté sans aucune union une série de puissances menaçantes, comme le raconte Hésiode (env. 750 avant J.-C.). Νὺξ δ’ ἔτεκε στυγερόν τε Μόρον καὶ Κῆρα μέλαιναν καὶ Θάνατον, τέκε δ’ Ὕπνον, ἔτικτε δὲ φῦλον Ὀνείρων, οὔ τινι κοιμηθεῖσα θεὰ τέκε Νὺξ ἐρεβεννή. « Nuit enfanta le Moros odieux [notre part de vie et de mort], la noire Kère [génie de la destinée et de la mort], et Mort ; elle enfanta Sommeil et la troupe des Songes ; elle les enfanta sans s’unir à personne, la Nuit ténébreuse. » (Théogonie, vers 211-213, traduction É. Bergougnan, 1940) Cependant que sa mère fait régner l’obscurité sur terre, Hypnos est chargé de répandre le sommeil sur toutes les créatures vivantes. Il est souvent représenté comme un jeune homme avec des ailes fixées à ses tempes ou sur ses épaules car son vol est silencieux comme celui des oiseaux de nuit. Hypnos a un jumeau, Thanatos, le Trépas : lui aussi apporte le sommeil, mais c’est celui dont on ne se réveille jamais. Sous forme de génies ailés, les deux frères sont toujours prêts à courir pour accomplir leur mission entre le monde des vivants et le royaume d’Hadès. Sur les champs de bataille, ils ramassent les cadavres des héros morts pour les ramener dans leur famille afin qu’ils reçoivent les honneurs funèbres indispensables à la paix de leur âme. Ainsi peut-on les voir emporter le corps du guerrier troyen Sarpédon dans l’Iliade (Chant XVI, vers 671-675) comme sur un célèbre cratère du peintre Euphonies (environ 515 avant J.-C.). Le pouvoir d’Hypnos est si puissant que certains immortels n’hésitent pas à le solliciter pour les aider dans leurs projets. Ainsi, Héra vient-elle demander au Sommeil, « maître de tous les dieux et de tous les hommes » (Iliade, Chant XIV, vers 233) d’endormir son époux Zeus dès qu’ils seront couchés ensemble afin d’empêcher le maître de l’Olympe, « dompté par le sommeil et le désir » (vers 353), de favoriser les Troyens. Les mortels aiment aussi considérer Hypnos comme le plus doux et le plus paisible des dieux parce qu’il vient les soulager en leur versant l’oubli de leurs peines : il répare les corps et les esprits fatigués des travaux du jour en renouvelant les forces pour les travaux du lendemain. Hypnos est aidé par « la troupe des Songes », qui sont nés de la Nuit, comme lui, selon Hésiode (Théogonie, vers 212), ou qui sont ses propres fils, selon Ovide. Ceux-ci savent imiter la forme de n’importe quel mortel : le plus célèbre d’entre eux est Morphée, porté par des ailes qui ne font aucun bruit. Le poète latin décrit ainsi le palais du Sommeil (Somnus en latin), qu’il situe près du rivage lointain des Cimmériens et du pays des morts : « C’est dans une grotte retirée qu’habite le Sommeil paresseux, bien à l’écart des rayons du soleil, au milieu d’un épais brouillard. Pas un bruit, pas une âme qui vive : c’est le royaume du repos silencieux. À l’entrée pousse une moisson de pavots et d’innombrables herbes soporifiques : c’est leur sève que la Nuit recueille pour faire dormir les hommes et les animaux sur la terre. Là, pas de porte qui grince en tournant sur ses gonds, pas de gardien qui surveille le seuil. Au milieu du palais, sur un lit d’ébène garni d’un épais duvet et de grands coussins noirs, le dieu du Sommeil se repose en compagnie de ses fils les Songes, étendus autour de lui, plus nombreux que les épis de blé dans les champs, que les feuilles sur les arbres, que les grains de sable sur la plage. [...] Entre ses mille enfants, le Sommeil appelle Morphée. Nul autre mieux que lui, en effet, ne saurait imiter les traits, la démarche, les vêtements, la voix - jusqu’aux accents les plus familiers - de ceux qu’il est chargé de représenter. Sa spécialité, ce sont les humains. Il se distingue ainsi de ses frères, Phobétor, qui imite les animaux (fauves, oiseaux, serpents), et Phantasos, qui se transforme en objets (terre, pierre, eau, bois). » Métamorphoses, Livre XI, vers 592-643 (traduction et adaptation A. C.)


Ce que chante Homère : πνε ἄναξ πάντων τε θεῶν πάντων τ᾽ ἀνθρώπων « Hypnos, maître de tous les dieux et de tous les hommes » Homère, Iliade, Chant XIV, vers 233.

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